Une fois la contraception légalisée et le droit à la jouissance revendiqué, par une jeunesse tant masculine que féminine se tenant la main et faisant l'amour librement, qu’est-ce qui peut encore priver les femmes de liberté sexuelle dans leurs relations hétérosexuelles ?
Les générations post "68" devraient approcher la sexualité d’emblée comme une source évidente d'épanouissements relationnels et de plaisirs partagés entre les filles et les garçons.
Et pourtant, cette sexualité libre et épanouie que les mouvements d’émancipation féminine des années 60 et 70 avaient cru atteindre, n’est toujours pas d’actualité plus de 50 ans après.
Quand près d’une femme sur deux a des difficultés dans sa vie sexuelle qui touche son désir, son plaisir mais aussi s’intensifient par des douleurs pendant l’acte sexuel, un épanouissement sexuel féminin est encore loin d’être acquis (Global Study of Sexual Attitudes and Behaviour, 2002).
Comment se fait-il qu’au XXIème siècle, les femmes vivent toujours une sexualité empreinte de manque de connaissances de leur sexe, de manque de confiance en soi, de peurs, de doutes dans un univers qui leur appartient et rempli de trésors avec lesquels elles devraient s’amuser et rayonner ?
Les femmes en mal-être dans leur intimité restent souvent enfermées dans leur souffrance, par honte ou tabou, en n’osant pas en parler et en se croyant seule et « anormale » dans ce champ de l’intime féminin.
Pourquoi cette souffrance et ce silence féminins perdurent-ils?
Mon expérience clinique me montre à quel point les pensées des femmes sont encore cadenassées dans des croyances très genrées qui les empêchent de construire un modèle du Féminin épanoui car toute la place est prise par un modèle unique qui tourne autour de la sexualité masculine. La sexualité masculine du « comment, quand, pourquoi » reste le modèle référent et dominant dans la construction de la sexualité féminine.
En fait, sous l’apparence d’une libéralisation heureuse de la femme, se maintient toujours des normes, tout aussi contraignantes qu’avant, freinant les femmes à connaitre leur corps, à dépasser les codes de "bonne réputation" ou de "bonne conduite" , à oser exprimer leurs désirs ou refus sexuels, à guider des hommes vers leurs chemins de jouissance, à se découvrir au travers de leurs propres sensations et vibrations.
Bref, les femmes ne se construisent toujours pas au travers de leurs propres yeux, de leurs propres expériences mais continuent d'être soumises, inconsciemment, par le regard masculin normatif !
Si chaque femme a une certaine marge de manœuvre, sous nos latitudes, pour sortir d’une prison d’insatisfaction intime, force est de constater que les dynamiques contemporaines inhibant le rendez-vous des femmes avec elles-mêmes, sont souvent difficile à identifier, voire plus perfides qu’avant.
En effet, les règles de la castration sociale féminine d’avant étaient plus claires puisqu’une femme « de valeur, de qualité et digne » était attendue pure au mariage, pour ensuite restée sur la retenue et valoriser son rôle d'épouse et de mère. Si cela vous parait cliché et bien loin, sachez qu'en Belgique, ce sont toujours les femmes qui donnent plus de leur temps libre et temps professionnel à la gestion familiale (Institut pour l'égalité des Femmes et des Hommes, 2020).
Concernant notre intimité, notre époque renforce même une certaine culpabilité féminine si nous ne nous éclatons pas pleinement dans notre sexualité puisque nos magazines, films et séries prônent une sexualité libérée, de performance, idéale et accessible par toutes et tous !
Pourtant, nous devons avoir le courage de regarder au-delà de cet environnement hypersexualisé qui, une fois les vapeurs érotico-sensuelles dissipées, renvoie toujours les mêmes dynamiques sexuelles genrées avec un modèle hétérosexuel pénétratif.
Au niveau de la sexualité, cela se traduit par la représentation d’une sexualité masculine caractérisé par l’assertivité, la performance sexuelle, la virilité et le désir sexuel associé aux besoins physiologiques. Quant à la sexualité féminine, elle devrait toujours correspondre à un ordre plus relationnel, liée à l’affectivité, à la conjugalité et à l'attention à l'Autre (Déroff, 2007).
La sexualité apparaît donc toujours profondément marquée par les rapports de genre, même si des évolutions sensibles se sont dessinées au cours de la dernière décennie (Bajos, 2016).
En effet, la sexualité a pu devenir l’expression de la satisfaction d’un désir et des plaisirs pour les deux partenaires.
Néanmoins restons prudent(e )s à cette lecture car même à ce niveau, un écart dans l’évolution entre la sexualité féminine et masculine existe toujours puisqu’elle se vit plus diversifiée chez les hommes que les femmes (Bozon, 2016). Comme si les 50 années écoulées depuis l’avènement du féminisme dans la sexualité n’avaient pas suffi à dépasser le modèle unique de domination masculine hétérosexuel.
Mon travail clinique avec les femmes en souffrance ou en recherche d’épanouissement intime continue inlassablement de me renvoyer que les femmes, quel que soit leur âge, se construisent avec un « mâle dans la tête » (Holland & co, 2002). Les femmes décrivent leur sexualité en référence à la sexualité masculine, à savoir ses attentes et ses réactions, et calquent leurs expressions sensuelles et sexuelles en tant que femmes "en miroir " du programme formaté à partir d'un disque dur masculin.
Il est temps de changer de musique si les femmes veulent trouver leur liberté et bien-être intime en cassant le mythe sexuel, toujours d’actualité. comme quoi les femmes sont dans l‘émotion, passive, accueillante, soignante et les hommes dans l’action, la maîtrise, le savoir et le pouvoir.
Même les jeunes femmes de 2021 sont toujours retenue dans leur sexualité. Pour exemple, les mots tels que « chaudasse, pute, salope, nympho » sont toujours prescrits pour taxer une femme qui s’aventurerait à exprimer un peu trop son désir ou ses expériences multiples de plaisirs. D'ailleurs, les femmes entre elles ne sont pals les plus tendres...
Mais attention que les mots font partie de notre langage qui nous construit et nous imprègne, c'est donc un moyen facile de véhiculer des normes !
Les femmes ne sont pas non plus soutenue, par une éducation à la vie affective et sexuelle par exemple, à se connaitre, à réaliser qu’elles ont une place à prendre différente dans leur sexualité de celle imposée par la domination qui s'’exerce sur leur corps, à découvrir leur intimité, à tâtonner leur sexe, à révéler leur sensualité, à écouter chacune de leurs cellules sensitives, à se faire confiance comme Femme et exulter !
Le modèle reste éternellement « l’homme qui sait et la femme qui suit ! » en sexualité.
Le temps de la désincarnation du corps féminin ne fonctionnant qu’en reflet du Masculin, est révolu !
Le corps et la tête des Femmes ont une dynamique propre en sexualité que seule une approche sexo-spécifique du féminin pourra faire éclore.
Et c’est qu’après, que la rencontre Féminin-Masculin pourra pleinement s’émerveiller!
Puisqu’il s’agit bien de cela, que la relation sexuelle soit catalyseur de bien-être sexuel des deux partenaires dans une chorégraphie co-créée !
Offrir un espace à ce Féminin sexuel qui a une incarnation propre, avec un fonctionnement à dévoiler dans la singularité de chaque Femme est incontournable à l’épanouissement intime mais aussi global des Femmes !
Accompagner les femmes à conscientiser cette prison sexo-genrée est devenu incontournable dans tout accompagnement sexologique afin qu’elles s’autorisent et osent se ré-approprier leur plein potentiel et quitter les cadres du modèle du « mâle dans la tête ».
Chaque femme a les capacités et les ressources pour vivre une sexualité qui lui convient et l'épanouit.
Notre société n’ayant pas encore ouvert tout le champ des possibles dans cet espace, cette rencontre avec soi-même est à réaliser par les Femmes !
Il est temps de remplacer notre vieux camion sociétal qui reste sur l’autoroute de l’enfermement féminin par une petite citadine souple, capable de découvrir tous les chemins de traverse, promesse de paysages plus variés et de surprises frivoles pour la Femme et l’Homme.
Si les places et les rôles des femmes et des hommes ont été construits socialement, elles peuvent donc être déconstruites, et aucune explication par « nature » n’apporte de légitimation biologique à quelque modèle de sexualité que ce soit. La seule réalité par Nature est que la femme et l’homme ont des corps différents avec des dynamiques propres et singulières que chacun a à connaitre pour se réjouir de leur rencontre.
Il est donc temps de dé-légitimer la domination du modèle de sexualité polarisée sur le masculin.
Chaque femme qui souhaite vivre sa révolution sexuelle a un chemin à faire, une action de conscientisation, de connaissance et de découverte de soi à mettre en œuvre.
Ce nouveau modèle de femme épanouie sexuellement que l’on pourrait appeler « Femme dans la tête » n’existe pas encore ; c’est une démarche Féminine pour Soi et une démarche Féministe pour toutes nos sœurs, nos amies et nos filles à réaliser.
Il ne s’agit pas de détruire le modèle hétérosexuel masculin mais qu’il ne soit plus l’unique norme sociale de l’hétérosexualité, qu’il devienne une parmi d’autres, même et surtout dans le champs de l'hétérosexualité.
L’idée est de quitter ce scénario prescriptif vendu comme « naturel » et « normal » portant sur la fréquence ou le déroulement souhaitable des actes sexuels et vus comme « réussi » ou « idéal » quand se succèdent : des « préliminaires », un coït et un orgasme masculin de clôture.
De nouveaux espaces autonomes de définition de la sexualité sont encore à créer ; Avis à la Créatrice qui se cache derrière chacune d’entre Vous !
Comme sage-femme sexologue, j’invite chaque femme en souffrance dans son intimité de ne pas tomber dans la croyance qu’elle n’est pas « normale », qu’il n’y a rien à faire.
Comme toutes les luttes de libération, celle qui a pour enjeu la libération et l’épanouissement de votre sexualité, pour Vous et/ou votre couple, est un processus qui implique de l’Action !
Prenez Soin de Vous,
Cendrine Vanderhoeven,
Sexologue, Formatrice et Conférencière.
Oeuvre crée par Bénédicte Philippe, Belgium
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